MAO > Mesures > Mesure de niveau audio

Dernière mise à jour : 30/01/2011

Présentation

Avez-vous déjà demandé à quelqu'un à quoi correspond le niveau de référence "zéro dB" ? Si oui, ce quelqu'un a-t-il su vous répondre ? En réalité, si peu de problèmes se posent lorsque l'on doit partager son travail avec une équipe unique et locale, il en est tout autrement lorsque le travail en question doit être partagé entre plusieurs pays n'utilisant pas les mêmes systèmes de référence. Car s'il est établi que les vu-mètres et les crête-mètres n'utilisent pas les mêmes niveaux de référence, celà ne s'arrête malheureusement pas là... Non seulement les niveaux de tests ne sont pas les mêmes, mais les plages de lecture (échelles totales) des appareils de mesure diffèrent elles aussi selon le pays ou le type d'équipement ! Vous trouverez sur cette page les correspondances de niveaux audio entre différents types d'échelles, ainsi que quelques notions concernant les types affichages les plus répendus.
Remarque : bien que cet article soit classé dans la rubrique générale MAO, il n'est pas restrictif à cet unique domaine et s'applique à tout domaine où le son entre en scène.

Correspondance entre différentes échelles

Avant toute chose, rappelons ce qu'est sensée représenter une échelle de valeur. Une échelle de valeur est conçue pour permettre la visualisation d'une grandeur dans une plage de valeurs données. Un équipement audio, quel qu'il soit, présente deux caractéristiques que l'on doit absolument connaitre : son "plancher" de bruit, c'est à dire le bruit ou souffle qu'il produit de lui-même, et son "plafond" d'ecrêtage, niveau maximum permis au delà duquel le signal audio ne peut pas aller sans être distordu. Pour travailler convenablement, le signal audio qui va traverser cet équipement doit être assez fort pour surpasser de loin le plancher de bruit, mais pas trop fort cependant pour ne pas atteindre le plafond d'ecrêtage. C'est pourquoi il a été défini une référence 0 dB, qui se veut être un niveau limite, une marge de sécurité qu'il ne faut pas dépasser, et qui se situe à quelques encablures du plafond. Cette marge de sécurité, que l'on nomme Headroom, correspond donc à l'amplitude dans laquelle le signal peut encore évoluer sans risque de distorsion, après la limite (référence) fixée. Mais, c'est là le hic, ce fameux 0 dB de référence n'est pas une référence universelle, et la marge entre cette référence et le niveau maximum permis diffère selon l'équipement ou... une configuration personnelle. Qu'importe, allez-vous rétorquer, puisque l'important est que les signaux audio travaillent dans la bonne plage de niveaux ? Vous n'avez pas tord, s'il s'agit du seul équipement utilisé. Supposons que pour cet équipement, un affichage de 0 dB correspond à un signal de sortie ayant une amplitude réelle de +12 dBu (je vous rassure, ça existe). Imaginez maintenant que l'équipement audio qui y fait suite soit un convertisseur analogique / numérique qui affiche 0 dB quand on lui rentre un signal BF d'amplitude 0 dBu, et que ce 0 dBu corresponde à l'amplitude maximale qu'il peut accepter (son plafond). Sur cet équipement, le 0 dB ne peut pas correspondre au seuil limite, sinon il n'y aurait aucune marge de sécurité. Vous comprenez le malaise ? Il faut bien se rendre à l'évidence :
- soit on calibre les différents élements de la chaine audio au niveau physique (on baisse ou on augmente le niveau du signal BF en entrée ou en sortie de l'équipement pour un affichage donné) ou alors on ajuste les caractéristiques d'affichage, et on parle alors d'alignement,
- soit on laisse tel quel mais il faut alors connaitre parfaitement ses équipements et tenir compte des différences d'affichage (ce qui n'est pas toujours très souple à l'usage),
- soit on n'utilise que des équipement dont les niveaux nominaux d'entrée et de sortie sont parfaitement définis et normalisés (par exemple -10dBV, +4 dBu, +12 dBu),
- soit on intercale des amplificateurs ou des atténuateurs entre équipements "incompatibles en niveau" afin de garantir la cohérence des niveaux en tous points.
Dans le domaine professionnel, on préferera ces deux dernières solutions, même s'il est encore assez fréquent d'user du tournevis pour "afficher ce qu'il faut" (en général plus simple avec des équipements tout analogique).
Voyons maintenant quel type d'échelle on peut rencontrer. Le dessin qui suit en montre certaines, et permet de se faire une idée des correspondances entre chacune.

Decibels - Echelles

Avec l'échelle de référence en dBu tout à gauche, il est aisé de faire la correspondance avec les fameux standards -10 dBV et +4 dBu. Si on utilise le standard -10 dBV et que l'affichage annonce 0 dB, c'est que l'amplitude électrique du signal est de -10 dBV au point de mesure. Si on utilise le standard +4 dBu et que l'affichage annonce 0 dB, c'est que l'amplitude électrique du signal est de +4 dBu au point de mesure. Il est interressant de noter qu'aux Etats-Unis, la quatrième échelle, qui correspond au standard +4 dB, est appelée "French VU" (échelle VU Française). La cinquième échelle, standard +6 dB allemand, présente un décallage de 2dB par rapport au standard +4 dB (ça semble logique); cette échelle est peu employée dans le grand public, et se retrouve surtout côté diffusion en Allemagne. La troisième échelle est typique d'un équipement qui travaille en numérique : son niveau maximal est de 0 dB FS (FS = Full Scale, pleine échelle) et ne pourra jamais excéder cette valeur qui correspond à la valeur de quantification maximale d'un convertisseur (valeur FFFF pour un convertisseur 16 bits).

Autres correspondances entre échelles :

decibel_niveau_audio_echelles_002

Par rapport aux correspondances précédentes, on trouve ici les relations entre niveaux d'alignement et niveaux maximum permis.

Remarques concernant le dBFS
- Sur les échelles mises en regard ci-avant, on constate que le 0 VU standard français correspond à -20 dBFS. En réalité, cette correspondance est vraie pour les équipement outre-atlantique (Avid, Beta, Protools, ...). En France, le 0 VU correspond la plupart du temps à -18 dBFS, ou en d'autres termes, la pleine échelle en numérique (clip) est atteinte avec +18 VU.
- Rien n'interdit à un fabricant de matériel audionumérique de définir le niveau d'entrée ou de sortie qu'il désire faire correspondre à son 0 dB FS (par exemple, niveau de sortie de +4 dBu pour le 0 dB FS). Certains appareils permettent de spécifier de façon précise la correspondance entre 0 dB FS et amplitude du signal analogique par pas de 1 dB, d'autres appareils permettent de choisir entre deux ou trois correspondances possibles (en gros, on a le choix entre sensisibilité faible, moyenne ou grande). La correspondance dépend en réalité de la marge (headroom) souhaitée, qui en pratique peut parfaitement atteindre 24 dB. Tout dépend des sources audio traitées, des habitudes de celui qui manipule... et de la résolution (quantification) du matériel utilisé. Il va de soi qu'on ne va pas prendre une marge de 24 dB avec un système travaillant sur 16 bits, car cela reviendrait à travailler avec 12 bits de quantification réels (chaque bits en moins équivaut à une perte de 6 dB de rapport S/B). La tendance globale consiste tout de même à conserver une marge de 18 dB lorsqu'on travaille sur un système 24 bits (quantification équivalente sur 21 bits, puisque 18 dB de marge équivaut à la "perte" de 3 bits de quantification). Grosso-modo :
0 VU = -20 dB FS en cinéma
0 VU = -18 dB FS (ou -19 dB FS) en TV
0 VU = -16 dB FS (ou -18 dB FS) pour la musique
- Quand on parle de marge et de niveau à ne pas dépasser (par exemple -18 dBFS), il faut bien comprendre que la "restriction" ne s'applique qu'à un point donné de la chaine, notemment lors de l'enregistrement d'une source sonore sur un support numérique qui impose par conséquent de passer par un convertisseur A/N. C'est parce qu'il y a un risque de "surcharge" du convertisseur A/N et que l'écrêtage produit par le "dépassement" du 0 dBFS n'est pas toléré du tout que l'on doit se garder une certaine plage de manoeuvre. Sur une caméra (Sony DVCam par exemple), on peut très bien appliquer sur les entrées analogiques un signal dont l'amplitude se traduit par un niveau de -2 dBFS affiché sur le bargraphe de l'appareil. Même si la limite a été fixée à -18 dBFS, on peut la dépasser. Il faut juste garder à l'esprit que passer au-dessus de la valeur limite doit rester occasionnel, et que plus on s'approche du 0 dBFS et plus on joue avec le feu. Quand on parle de marge alors qu'on se trouve déjà dans le domaine tout numérique (au moment de l'édition ou du montage audio sous Cubase, Protools, Final Cut ou Media Composer par exemple), la restriction peut s'appliquer plutôt à une norme et non plus vraiment à une marge de protection. Ainsi, quand on demande de ne pas dépasser -5 dBFS ou -9 dBFS pour un PAD (Prêt A Diffuser), cela ne signifie nullement que toutes les sources sonores importées dans le projet ne doivent pas dépasser -5 dBFS ou -9 dBFS. On peut à tout instant jouer sur le niveau de n'importe quel élement sonore, c'est uniquement en sortie finale que l'on doit s'assurer que le niveau global ne dépasse jamais la valeur maximale spécifiée (même pour les pubs, n'est-ce pas).

Les types d'affichage les plus connus

Il faut garder à l'esprit que l'affichage du niveau d'un signal est extrêmement important, autant dans les studios de radio que dans les studios d'enregistrement. Car c'est cet affichage qui permet de prévenir toute distorsion, êcretage ou surmodulation. Il est donc primordial de connaitre les différences qui existent entre différents systèmes de mesure. Il existe à ma connaissance trois types d'affichage de niveau audio utilisés de façon régulière : le vu-mètre, le crête-mètre et le "loudness", qui diffèrent dans leur usage général et dans leurs spécifications techniques (ballistiques). Voici quelques explications concernant ces trois types d'affichage.

Vu-mètre

Le Vu-mètre (VU = Volume Unit, indicateur de volume) est largement utilisé sur l'ensemble des équipements fabriqués aux US. Il s'agit d'un instrument composé d'un redresseur et d'un système mécanique à aiguille, permettant le contrôle ou des mesures d'alignement du niveau électrique d'un signal audio. Ses caractéristiques et performances sont définies par la spécification C16.5-1942 de l'ANS (American National Specification), et seuls les vu-mètres répondant à cette spécification sont censés donner une lecture significative d'un signal audio complexe, telles la parole ou la musique. Cependant, il existe un grand nombre de vu-mètres, en particulier dans le domaine semi-professionnel, dont l'échelle n'est absolument pas conforme aux spécifications standardidées. Ou tout du moins dont la seule conformité se résume à afficher correctement le niveau d'un signal sinusoidal fixe provenant d'un générateur de test, pour la valeur 0 VU ! Les anciens vu-mètres possédaient une échelle logarithmique s'échelonnant de -20 VU à +3 VU, la valeur 0 VU étant située approximativement à 70% de la valeur maximum.

Galva_vu_001

La sensibilité d'un vu-mètre VU (possédant une résistance identique à celle standardisée) est de +4 dBu (1,23V) pour une lecture de 0 VU. Avec un signal sinusoidal fixe, la lecture relative de 1 VU correspond à un écart de 1 dB. Au delà de l'échelle supérieure, on trouve aussi une échelle marquée en plus petit, indiquant le pourcentage de modulation, et où 100% de modulation correspond à 0 VU. Dans ce cas, la modulation se réfère à la "quantité" de signal audio, plutôt qu'à une valeur absolue.
Les nouveaux types de mesureurs audio, tels ceux utilisés sur écran ou incrusté dans l'image pour la surveillance dans les studios TV, dans les studios de production TV ou d'enregistrement audio, offrent une échelle VU largement étendue, et pouvant atteindre 80 dB.
Il faut dire que quand le vu-mètre a fait son apparition au début du vingtième siècle, ses caractéristiques ballistiques s'appuyaient sur la volonté d'approcher le comportement de l'oreille humaine. Mais avec ses longues 300 ms de temps d'intégration (appelé aussi temps de réponse), l'instrument de mesure était absolument incapable de répondre aux transitoires (crêtes très brèves) du signal audio. Ces crêtes étaient tout bonnement ignorées et passaient inaperçues ! Il faut dire que la constitution d'un vumètre se résumait alors à un circuit de redressement basique, une résistance et une bobine modile, et que la réponse en fréquence et la plage de niveau pouvant être traitées étaient sacrément limitées. Les valeurs affichées par le vu-mètre étaient donc en général inférieures aux valeurs réelles. Ceci dit, un observateur habitué "sens" plus le signal audio par les mouvements de l'aiguille plutôt que par la valeur absolue qu'elle donne. Notons au passage qu'un piano, ou même une guitare, peuvent engendrer une amplitude jusqu'à 40 dB supérieure à la valeur moyenne du morceau en train d'être joué... C'est la raison pour laquelle les techniciens du son et les opérateurs radio doivent être extrêmement prudents et prévoir une marge de surcharge raisonnable (headroom) afin de pallier à tout risque de saturation et/ou de distorsion. Car si une légère distorsion sur un signal audio enregistré sur une bande magnétique n'était pas trop grave, un écrêtage se produisant dans un convertisseur analogique / numérique (plutôt fréquent dans nos petits studio n'est-ce pas ?) est très audible et doit à tout prix être évité. A ce titre, l'ajout d'un limiteur précédant la conversion en numérique n'est pas forcement toujours un luxe...
Une surveillance assurée par une paire de très bon haut-parleurs, en complément des indicateurs visuels, est également indispensable, tout technicien du son vous dira que l'indicateur visuel est simplement un complément à leur sens de l'écoute.

Crête-mètre

Le crête-mètre (PPM = Peak Program Meter) est un instrument de mesure permettant de visualiser les crêtes d'un signal audio (pics de niveau plus élevé que le niveau moyen, et brefs). On peut le considérer comme un simple voltmètre capable de répondre de façon précise à des transitoires rapides du  signal audio, mais ne nous trompons pas, la réalisation d'un crête-mètre est bien plus complexe que celle d'un vu-mètre. La plupart du temps, la lecture s'effectue de façon semi-logarithmique sur la plus grosse partie de l'échelle. Il est important de noter qu'aucune standardisation réelle n'existe pour ce type d'instrument, ni pour l'échelle, ni pour la ballistique, et ce même si une tentative de standardisation avait été amorcée par l'IEC (crête-mètre dit de type I, permettant un affichage sur une plage de -40 dB à +5 dB, comparable à un autre type de crête-mètre fonctionnant sur une plage de -35 dB à +12 dB, plutôt utilisé dans les pays nordiques). Cet instrument bénéficie d'un temps de réponse (Rise time ou Attack time) rapide, de l'ordre de quelques millisecondes (par exemple 5 ms ou 10 ms, soit 60 ou 30 fois plus rapide que pour le vu-mètre), et un temps de descente (Fallback time) lent, de l'ordre de 1 à 3 secondes, variant selon la norme (le crête-mètre norme EBU à un temps de relachement plus long que celui de la norme UK). Un temps de descente aussi élevé est délibéré, il permet une lecture plus facile et surtout, il permet de réduire la marge avant saturation. Marge qui n'a aucune raison de disparaitre, n'est-ce pas.
Mais malgré cette apparente rapidité de réaction, les techniciens qui travaillent dans les studios d'enregistrement savent pertinemment qu'un temps de réponse de 10 ms reste encore insuffisant pour des crêtes très brèves, comme celles pouvant être générées par certains instruments (clavecin par exemple). Les crète-mètres affichent généralement une échelle s'étendant de -40 dB à +5 dB, ce qui correspond à un pourcentage de modulation de 1% à 180%. Tout ce qui dépasse du 100% (0 dB) est coloré en rouge pour rappeler à l'opérateur que toute activité dans cette zone est "interdite" ou qu'elle doit être le plus occasionnelle possible. Notons pour terminer ce paragraphe que les mesureurs audio qui font un usage direct de données numérisées (afficheur des convertisseurs CAN ou CNA autonomes, visuel sur ordinateur, etc), peuvent se voire appliquer presques toutes les règles de ballistique désirées. Ce qui permet d'adapter le type d'affichage à la fonction souhaitée.

"Loudness"

L'affichage "Loudness" est une sorte un peu particulière de mesureur. Il se présente sous une forme en générale semi-circulaire (comme le vu-mètre), excepté qu'il comporte 40 segments. Les 25 premiers segments (situés à gauche) s'étalent de -25 dB à 0 dB et représentent le loudness (simplifions en disant qu'il s'agit d'un moyennage du signal audio). Les quinze segments suivants (à droite) s'étalent de 0 à +15 dB et permettent de visualiser les crêtes du signal audio. Le but de ce type d'instrument est d'offrir une visualisation qui soit la plus objective possible, en se rapprochant au mieux de la sensation de "puissance" du signal audio.