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Dernière mise à jour : 29/08/2009

Présentation

Un fréquencemètre est un appareil de mesure qui permet de connaitre la vitesse à la quelle un phénomène répétitif se reproduit dans un intervalle de temps donné. La ou les plages de mesure couvertes dépendent du domaine d'application et de l'appareil de mesure utilisé. Par exemple en audio, la plage de fréquence mesurable peut n'aller que jusqu'à 100 KHz ou 1 MHz, ce qui serait insuffisant pour mesurer la fréquence de sortie d'un oscillateur HF travaillant dans la bande FM 88 MHz à 108 MHz. La difficulté de réalisation augmentant avec la fréquence maximale mesurable, le coût des fréquencemètres est en général directement lié à la fréquence maximale qu'ils sont capables de traiter, tout du moins à partir d'une certaine fréquence. Dans le domaine amateur (avec des moyens simples et peu coûteux), il n'est pas difficile de réaliser un fréquencemètre capable de "monter" jusqu'à quelques dizaines de MHz. En revanche, il est délicat de réaliser un fréquencemètre capable de travailler correctement à plusieurs GHz, car certaines "pratiques" de câblage des composants doivent être maîtrisées. Cet article décrit quelques notions de base utiles pour fabriquer un fréquencemètre travaillant plutôt dans les gammes de fréquence basses, mais ces notions peuvent servir de point de départ pour des réalisations plus ambitieuses. Il existe plusieurs méthodes pour réaliser un fréquencemètre, seront décrites les plus courantes.

Mesure par conversion Fréquence / Tension

Cette façon de faire est simple, mais n'est pas très précise. Son principe consiste à convertir un signal périodique en une tension continue dont la valeur est directement proportionnelle à sa fréquence. Pour cela, on utilise un monostable qui délivre des impulsions de largeur constante, que l'on fait suivre d'un filtre passe-bas, qui intègre (qui moyenne) les impulsions plus ou moins rapprochées produites par le monostable. Le monostable joue un rôle important dans le système de mesure : il permet de disposer d'impulsions calibrées en amplitude et en durée, condition essentielle pour une mesure correcte. Imaginons en effet un simple filtre passe-bas pour effectuer une mesure de fréquence, tel que mis en oeuvre dans le montage suivant :

frequencemetres_000a

Ce simple réseau RC ne fait qu'intégrer (moyenner) les impulsions qu'on lui fournit à l'entrée In. Son principal inconvénient ? Générer une tension continue (plus ou moins stable) dont la valeur ne dépend pas de la fréquence mais du rapport cyclique du signal entrant. Pratique pour réaliser un convertisseur PWM / tension (exemple), mais pas vraiment efficace pour effectuer une mesure de fréquence. Si maintenant nous ajoutons un monostable avant le filtre passe-bas, bien des choses changent dans le bon sens.

frequencemetres_000b

Supposons que le monostable délivre des impulsions dont la largeur est toujours de 100 us (0,1 ms), quelque soit la récurrence des impulsions entrantes qui le déclanchent. Si on le déclanche 1000 fois par seconde (signal à mesurer de fréquence 1 KHz, période 1 ms), on va retrouver sur sa sortie Q, un signal périodique dont la fréquence est également de 1 KHz, et où les états logiques hauts durent tous 100 us. Par rapport à la durée d'une période complète qui est de 1000 us (1 ms), on dispose donc d'un signal dont le rapport cyclique est de 10 % : 10 % du temps (100 us) à l'état haut, et 90 % (900 us) du temps à l'état bas. Si l'amplitude des impulsions de sortie du monostable est de +10 V, la tension continue en sortie du filtre passe-bas qui y fait suite sera de 10 % cette valeur, soit 1 V. Si maintenant la fréquence du signal d'entrée (à mesurer) est de 5 KHz (période 200 us), on dispose en sortie du monostable, d'un signal périodique de fréquence 5 KHz avec toujours des états hauts durant 100 us. Le rapport cyclique augmente donc dans un rapport de 5, et passe ainsi à 50 % : 50 % du temps (100 us) à l'état haut, et 50 % (100 us) du temps à l'état bas. La tension continue en sortie du filtre passe-bas monte alors à +5 V. De même avec une fréquence d'entrée de 8 KHz, la tension de sortie passe à +8 V, pour un rapport cyclique de 80 %. En résumé, nous avons donc :
- pour une fréquence d'entrée de 1 KHz, une tension continue de sortie de +1 V
- pour une fréquence d'entrée de 5 KHz, une tension continue de sortie de +5 V
- pour une fréquence d'entrée de 8 KHz, une tension continue de sortie de +8 V
Et je suis prêt à parier qu'à une tension de sortie de +0,5 V correspond une fréquence d'entrée de 500 Hz... Intéressant d'un point de vue correspondance entre les deux grandeurs Hertz et Volts, n'est-ce pas ? Connectez maintenant un voltmètre en sortie, et vous disposez d'une indication directe de la fréquence du signal d'entrée : votre voltmètre s'est transformé en fréquencemètre !

Limites du système
La précision de mesure est assez bonne tant que l'on reste dans une plage de fonctionnement qui "colle" avec la valeur des composants utilisés. Il y a en effet deux ensembles de composants dont les valeurs sont "critiques" :
1 - composants déterminant la durée des impulsions du monostable (R2 et C2 sur le schéma);
2 - composants du filtre passe-bas de sortie (R1 et C1 sur le schéma).

1 - Constante de temps du monostable (R2 / C2)
Si la constante de temps du monostable (durée des impulsions de sortie) est trop courte par rapport à la fréquence du signal à mesurer, le rapport cyclique sera très faible et la tension continue en sortie de filtre sera elle aussi faible. Si elle est trop longue par rapport à la fréquence du signal à mesurer, les impulsions vont se "chavaucher" et la tension continue en sortie du filtre passe-bas sera toujours à son maximum, on est dans le cas d'un "dépassement de capacité", avec mesure finale complètement fausse. Donc manque de précision ou valeur erronée.Une solution facile à mettre en oeuvre pour contrer ce problème est la mise en place de plusieurs gammes de fréquence, avec pour chacune une durée différente des impulsions de sortie du monostable. Il suffit pour cela de commuter R2, C2 ou les deux composants parmi plusieurs valeurs possibles, au moyen d'un commutateur rotatif par exemple. On peut ainsi envisager une constante de temps de 10 ms pour une plage de fréquence de 10 Hz à 100 Hz, une constante de temps de 1 ms pour une plage de fréquence de 100 Hz à 1 KHz, une constante de temps de 100 us pour une plage de fréquence de 1 KHz à 10 KHz et une constante de temps de 10 us pour une plage de fréquence de 10 KHz à 100 KHz. Autre solution, mettre en série plusieurs diviseurs de fréquence par dix, avec un monostable dont la période d'impusion reste inchangé : dans ce cas on n'adapte pas le monostable au signal d'entée, mais on adapte la fréquence d'entrée au monostable. Les deux solutions donnent quasiment la même précision de mesure au final (cette deuxième solution est celle que j'ai choisie pour mon fréquencemètre 002).

2 - Constante de temps du filtre passe-bas (R1 / C1)
Comme vous pourrez le constater en expérimentant avec différentes valeur, la tension continue en sortie du filtre peut fluctuer plus ou moins en fonction de la fréquence d'entrée. Ce phénomène, qui n'est pas forcément gênant avec un voltmètre à aiguille qui possède une forte inertie mécanique, peut devenir casse-pieds avec un voltmètre numérique, qui réagit plus vite et "absorbe" donc beaucoup moins les variations "plus et moins" autour de la valeur moyenne. Prenons deux cas extrêmes où les composants choisis sont de valeurs trop grandes ou trop faibles.
- Cas avec signal à mesurer de fréquence 5 KHz, R1 = 10 KO et C1 = 10 nF : là, la constante du filtre est trop faible par rapport à la fréquence du signal à mesurer, le signal de sortie suit de près les impulsions de sortie du monostable et on récupère un signal qui bouge sans arrêt entre 2,7 V et 7,3 V, à la fréquence de 5 KHz. Certe, la valeur moyenne est bien de 5 V comme attendu, mais faites-donc avaler ça à un voltmètre numérique !
- Cas avec signal à mesurer de fréquence 5 KHz, R1 = 1 MO et C1 = 1 uF : là, la constante du filtre est trop grande par rapport à la fréquence du signal à mesurer, le signal de sortie ne fluctue plus autant (même quasiment plus du tout), mais il faut attendre au moins cinq secondes avant de voir la valeur correcte s'afficher !
Avec signal à mesurer de fréquence 5 KHz, R1 = 100 KO et C1 = 100 nF, affichage de la valeur réelle au bout de 50 ms (100 fois plus rapide), et ondulation de quelques 50 mV, ce qui est très correct. Bref, il faut trouver un compromis entre temps de réaction souhaité et ondulation résiduelle maximale souhaitée, sachant que ces deux paramètres ne sont pas les mêmes à chaque fréquence mesurée.

Mesure par comptage

Cette façon de faire est un peu plus complexe et demande plus de composants si on utilise des circuits logiques traditionnels, mais elle est plus précise. Elle consiste à compter le nombre d'impulsions produites en un laps de temps donné. Ce laps de temps peut être bref ou long, et dépend de la plage de fréquence à mesurer. Mais dans tous les cas, sa durée est parfaitement maitrisée, elle peut être par exemple de une seconde.

Fréquencemètre simple 1 MHz
La procédure est simple à comprendre et peut être résumée ainsi (c'est un exemple possible parmi plusieurs) :
- Remise à zéro du compteur.
- Ouverture de la fenêtre de comptage : les impulsions du signal d'entrée arrivent au compteur.
- Au bout d'une seconde, fermeture de la fenêtre de comptage : les impulsions du signal d'entrée ne parviennent plus au compteur.
- Affichage du contenu du compteur sur des afficheurs numériques.
- Remise à zéro du compteur, etc.
Avec de simples compteurs, six afficheurs numériques et une petite logique pour piloter tout ça, nous disposons d'un fréquencemètre capable de mesurer un signal jusqu'à 1 MHz avec une résoluation de 1 Hz (le premier fréquencemètre que j'ai réalisé - Fréquencemètre 001 - était basé sur ce principe).

Fréquencemètre simple 1 GHz
Si les circuits logiques utilisés pour le comptage pouvaient suivre la cadence infernale de 1 milliard d'impulsions par seconde, on pourrait imaginer ajouter 3 afficheurs et étendre la plage de mesure à 1 GHz. Seulement voilà, les circuits logiques standards ne peuvent pas travailler aussi vite, surtout s'il s'agit de circuit logiques CMOS. Pour mesurer des fréquences très élevées, il faut utiliser des circuits très rapides, tout du moins dans le premier étage du fréquencemètre, qui peut se résumer à une simple fonction de division de fréquence. Voir un peu plus loin, paragraphe Mesure de fréquences très élevées.

Fenêtre de comptage inférieure à une seconde
Adopter une durée de comptage de une milliseconde au lieu de une seconde permet de se contenter de 3 afficheurs pour une plage couvrant 1 KHz à 999 KHz, avec une résolution de 1 KHz. Ce qui peut s'avérer suffisant dans certaines applications de contrôle. On pourrait penser pouvoir obtenir la même chose avec le "premier" fréquencemètre à six chiffres auquel on aurait soustrait les 3 chiffres des unités, dizaines et centaines, mais les premiers compteurs restent nécessaires et l'ensemble serait donc "sous-exploité".

Fenêtre de comptage supérieure à une seconde
Adopter une durée de comptage de mille secondes au lieu de une seconde permet de mesurer des signaux de fréquence très basse. Mais le temps nécessaire pour afficher le premier résultat de mesure (il faut vraiment être patient), et la précision obtenue (pas si grande finalement), rebutent très vite : ce n'est pas une bonne façon de faire. Restons-en à la seconde, et adoptons d'autres méthodes pour la mesure de fréquences basse, voir plus loin paragraphe Mesure de fréquences très basse.

Mesure de signaux de faible amplitude

Les circuits logiques traditionnels, CMOS, TTL ou ECL, nécessitent des signaux d'amplitude assez élevée pour travailler correctement. Mesurer un signal de fréquence 10 MHz et d'amplitude 10 mV ne peut pas se faire en attaquant directement un circuit TTL alimenté sous +5 V. Pour que les signaux faibles puissent être mesurés, il convient de les amplifier. Et comme il est conseillé de ne pas trop perturber le montage dans lequel on fait la mesure (certains oscillateurs s'arrêtent d'osciller dès qu'on les chatouille un peu avec une pointe de touche), il convient de faire les choses sous haute impédance d'entrée. A un fréquencemètre à entrée logique, il convient donc d'ajouter une section d'entrée analogique additionnelle pour le rendre presque universel. Exemples de tels étages en pages Etage d'entrée 001 pour fréquencemètre et Etage d'entrée 002 pour fréquencemètre.

Mesure de fréquences très élevées - Prédiviseurs

La limitation en vitesse des circuits logiques implique une limite haute des fréquences que l'on peut mesurer. Cette limite peut être de 30 MHz à 100 MHz avec des composants assez "standards". Pour aller plus haut, il faut utiliser un "adaptateur" permettant de diviser la fréquence élevée d'un signal haute fréquence, pour l'adapter à un fréquencemètre qui ne va pas très haut en fréquence. Cet adaptateur est en fait un prédiviseur, dont le nom évocateur ne laisse pas de doute quand à son rôle. Certains prédiviseurs divisent par un nombre facile à utiliser, 10, 100 ou 1000 par exemple, ceux-là peuvent être facilement ajoutés à un fréquencemètre "bas de gamme". D'autres divisent par un nombre "binaire" de 16, 64 ou 256, valeurs qui nécessitent une adaptation du fréquencemètre pour garder un affichage valide. Quand on souhaite ajouter une extension à un fréquencemètre existant, il est évidement plus commode d'utiliser des multiples de 10, ce qui évite de sortir la calculette pour convertir la fréquence affichée en fréquence réelle. Quelques références de circuits intégés prédiviseurs sont données à la page Diviseurs de fréquence.

Mesure de fréquences très basses - Périodemètres

Pour être précise, la mesure d'un signal de très basse fréquence nécessite une fenêtre de comptage très longue, de plusieurs secondes à plusieurs minutes. Or, nous n'avons pas toujours le temps d'attendre aussi longtemps. Il existe heureusement une méthode permettant de mesurer la fréquence de tels signaux, en un temps très réduit. Plutôt que de compter les impulsions correspondant à la fréquence du signal à mesurer, le système génère lui-même des impulsions à un rythme parfaitement connu, et la fenêtre de comptage est ouverte et fermée par chaque front montant (ou descendant) du signal à mesurer. Supposons par exemple que les impulsions générées le sont à la fréquence de 1 KHz (mille impulsions par seconde) et que le signal à mesurer soit de 0,1 Hz (période de 10 secondes) : le comptage donnera la valeur 10000. Si maintenant le signal à mesurer est de 1 Hz (période de 1 seconde), le comptage donnera la valeur 1000. On voit de suite que le compteur affiche directement la période du signal à mesurer, en millisecondes (inverse de 1 KHz). Adoptons un oscillateur interne à 1 MHz, et nous obtenons alors la mesure à la microseconde près ! Bien sûr, il faut une petite gymnastique mathématique pour passer de la valeur "période" à la valeur "fréquence". Mais vous savez faire cela, n'est-ce pas ?